juillet 22, 2005

Faire d'un coup de génie... un coup de génie !

Dix ans déjà ! Dix ans que j'écoute sans relâche ce parfait opus musical, à l'époque rafraîchissant, innovateur et unique ! Aujourd'hui, classique, toujours harmonieux et si empreint de souvenirs. Les textes, tirés du journal personnel de l'artiste elle-même, et la musique, où guitare et harmonica ont priorité, forment un mélange grandiose et donnent un ton unique à chacune des pièces de Jagged Little Pill. Cet album fait presque plus partie de ma vie que moi-même. J'en connais les rythmes par coeur, les jeux de voix d'Alanis et la sonorité de chacun des instruments.

À l'annonce il y a quelques mois de la volonté de l'artiste de réenregistrer, en studio, l'album au complet, de manière acoustique, deux idées se forment en moi. La première, qu'un album aussi magistralement réussi, arrivé dans la scène musicale au moment où tous les autres tournaient en rond, qui n'a connu de successeurs plus grands, ne peut être repris qu'avec moins d'intensité. D'un autre côté, exécuter quelques tournées autour du monde, interpréter sans cesse durant dix ans le même album, ça ne peut avoir comme effet premier que d'imprégner dans la peau de la chanteuse et de son fidèle band les pièces tant pratiquées. Car il ne faut pas jouer à l'autruche, les grands spectacles d'Alanis nécessitent une grande dose de Jagged Little Pill et une petite partie du nouvel album à promouvoir. C'a été la règle pendant dix ans.

Je suis donc allé chez Starbucks, en bon fanatique d'Alanis, acheter ma copie de Jagged Little Pill - Acoustic. À la première écoute, le sentiment d'entendre "mtv unplugged" sans arrière-fond est marquant. Une pièce ou deux se détachent du lot, sans plus. Légère déception. Mais un vrai fanatique ne lâche prise qu'après avoir rampé de douleur. J'ai répété l'exercice avec plus d'attention, et je dois dire que depuis j'en suis totalement dépendant. Chaque pièce a été repensée, remaniée, réécrite avec certains détails. Des tournures de phrases utilisées en tournée trouvent leur place sur cet album (pensons à la "beautiful wife" d'Ironic), des sonorités découvertes sur scène et dans les chambres d'hôtels, des jeux de voix fantastiques qui nous font découvrir qu'un album merveilleusement accompli peut être encore meilleur quand on l'étudie à fond. Alanis a vécu littéralement Jagged Little Pill pendant dix ans et elle est retournée en studio, avec l'équipe originale et son band de tournée, réenregistrer les pièces dans le même ordre avec les mêmes temps de pause.

Les ajouts musicaux sont subtils. Les violons complètent à merveille des pièces comme "All I really want", le piano intense et dur soutient un "You Oughta Know" plus sombre, la voix étirée et intense d'Alanis saccade "Not the doctor" avec douleur. Les deux pièces qui y gagnent le plus, à mon avis, sont "Mary Jane", plus soutenue par une voix triste et au bord du gouffre, et "Head over feet", exhibition d'un amour désiré et de ses effets bénéfiques. L'hamonica sonne toujours au bon moment, encore. Une introduction magnifique donne le ton pour "Right through you". Et, ce que nous attendions avec impatience, l'accapella "Your house" trouve ici un écho musical des plus touchants, des plus saisissants. La peine d'amour et le choc de l'amoureuse errant dans les appartements de son désiré et qui découvre sa relation avec une autre est encore plus déchirante.

Ce que l'on remarque en premier lieu, c'est que la nécessité des instruments qui font du bruit (plugged) est disparue. L'album le prouve. Le résultat est une interprétation vocale ressentie des paroles et du message véhiculé. La musique n'a dorénavant qu'à accompagner le texte et non à le soutenir, à le diriger. C'est maintenant l'inverse, et ça fait toute une différence.

Soulignons que même la maquette photographique de l'album a été remise en scène avec une Alanis actuelle, sous les mêmes angles de caméra qu'à l'origine.

Alanis Morissette et Glen Ballard ont réussi un coup de génie en réinterprétant un coup de génie ! Je ne connais pas beaucoup d'artistes qui pourraient faire l'expérience avec leur plus grand bébé. En fait, je n'en connais aucun !

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